Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se regarder inlassablement dans le même miroir !… Ces images, incrustées dans sa mémoire, Jean-Baptiste les emportait dans le Nord lointain où il allait, triste mais résolu, chercher le pain de ses sept enfants…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La route qui va de Ville-Marie, sur le lac Témiscamingue, vers le lac des Quinze, traverse une magnifique région légèrement accidentée, région agricole où le sol est gras de l’argile et de l’humus des siècles, où la forêt alterne sans cesse avec les beaux champs tout verts. De-ci de-là, des villages tout neufs se groupent autour de petites églises de bois aux naïfs clochers où chantent, aux heures des angélus, les voix clairettes des cloches encore ravies dans la gloire d’un récent baptême. Après la courbe molle du val où Lorrainville la blanche rassemble ses terres opulentes et ses maisons coquettes, voici le plateau de Saint-Isidore, puis Mont-Carmel. Ici la forêt se fait plus pressante autour des défrichements timides, et il est évident que ce sont là les avant-postes de la grande armée des colons qui déferle irrésistiblement sur le domaine du traiteur et du forestier.