Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dorés, — épaves du naufrage de Saint-Hilaire — une croix de tempérance, et, au-dessus de la fenêtre, parmi de petites images pieuses gagnées à l’école, une feuille d’érable laborieusement taillée dans du papier vert pomme !

L’érable ! le Témiscamingue est sa frontière. Il ne risque guère plus au nord ses beaux bras frileux et ses tendres feuilles, délicates et veinées comme une main humaine !… Mais en quittant la vallée du grand fleuve, les laurentiens l’emportent dans leurs chansons et dans leur cœur. Avec lui, ils vont peupler cet incomparable pays de rivières et de lacs qu’est l’Ottawa supérieur, pour déborder par-dessus la hauteur des terres et descendre dans l’immense plaine de l’Abitibi qui, depuis trois siècles, les attend !… Et, dans les lointains du Nord, quand le colon aura bâti sa maison entre les bouleaux d’argent et les trembles qui frissonnent, il y aura toujours sur les poutres entre le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie, une petite et chère place pour la feuille étoilée de l’érable…

L’Oblat, ému, avait cessé de manger. Il y avait donc, dans l’esprit de ces pauvres gens uniquement occupés, pourrait-on croire, à ne pas mourir de faim, l’idée instinctive et supérieure de la mission des Français d’Amérique. Ce colon, — et presque tous sans doute — était conscient de