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Grands-Déserts, avec sa vieille. Comme on s’y attendait, Julie, la veuve, arriva de Québec par l’omnibus. Vers neuf heures, Charles Hamel, depuis trente ans bedeau aux Écureuils, descendit de la voiture de son curé. Et successivement tous les autres Hamel, hommes et femmes, tous gens d’âge et en cheveux blancs, parurent à la barrière du chemin. On savait qu’il viendrait, et pourtant une émotion saisit tous les anciens, quand Joson, l’aîné de la famille — âgé de quatre-vingt-dix-sept ans, et à demi paralysé — entra dans la vieille maison, tenu sous les bras par deux de ses arrière-petits-fils.

À ce moment, l’Angelus s’épandit sur la campagne, passa par-dessus les sapins du petit bois et atteignit la demeure des Hamel. Par ce midi lumineux de printemps, la voix joyeuse des cloches chrétiennes s’en allait à travers champs bénissant la semence dans la terre, le fruit nouveau sur la branche. Elle pénétrait dans les fermes par les portes et les fenêtres ouvertes et bénissait les familles en prière autour de la soupe fumante. Pour tous les vieux Hamel, hélas ! elle ne sonnait qu’un glas ! Ils songeaient au vieil arbre qui avait entendu le premier Angelus tinter là-haut pour les pauvres Hurons fugitifs et qui allait à son tour se coucher dans la mort.