Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/42

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Tous les printemps, le rosier secouait vivement ses glaçons et ressuscitait ; la sève battait la charge dans ses bourgeons qui éclataient sous les premiers effluves chauds et déployaient en tous sens des flots de dentelles vertes cependant qu’en bas, dans la plaine et dans les bois, la vie dormait encore !… Quand juin venait et que tous les oiseaux coutumiers étaient de retour, le rosier faisait ses boutons et, pour le mystère des nids, offrait l’abri de ses petites tonnelles. À la Fête-Dieu, voyant les Lorettains affairés planter des balises le long de la grand’rue, il arborait de lui-même des rosaces de satin au cœur d’or, hommage de son être parfumé au Maître de la Vie !…

Un jour cependant on remarqua que la poussée des racines descellait la pierre de la niche et que le mortier tombait par croûtes devant la porte. Derechef, dans le village, on commença à parler du rosier. Les lavandières, en piquant le linge sur les cordes mirent la question à l’ordre du jour. Entre deux parties de dames, les rentiers la discutèrent et, en fin de compte, opinèrent pour la suppression. Plus sentimentales, la plupart des femmes, mues par ces raisons du cœur que la raison ne connaît point, prirent la défense de l’arbuste. Il leur semblait que la Vierge Fidèle en aurait du chagrin et qu’ayant elle-même suscité le rosier de la niche elle saurait bien protéger l’église.