Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/47

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potence qui aurait cassé sa corde — une allure pour le moins inconvenante pour un homme qui est presque dans le clergé !… Il maniait l’éteignoir comme une gaffe et sa génuflexion manquait vraiment de grâce et de souplesse. Le dimanche, quand Savard, bien empesé, traversait la nef en longueur pour aller sonner le Sanctus, les Lorettains distraits, croyaient voir un cageux qui flottait des billots ou marchait sur une estacade !…

Il n’était pas méchant, mais avec ses relents de cambuse et d’admirables muscles, il avait gardé de son ancienne vie une faconde intarissable et un discours frondeur qui lui faisaient des ennemis dans la paroisse. C’est que l’Ancienne-Lorette est un pays de lavandières ! Les langues y sont d’une agilité extrême et les bonnes femmes tout en blanchissant les chemises des bourgeois de Québec ne manquent pas de noircir la réputation de leur prochain !… La concurrence de Savard semblait à beaucoup de ces dames tout à fait insupportable ! Aussi, malgré les innombrables drapeaux blancs arborés chaque matin sur les cordes à linge, la paix était-elle loin de régner entre la cuvette et l’éteignoir, et les commères, d’ailleurs fort divisées, se rencontraient toutes sur le dos de Nazaire Savard.

Le soir donc de ce dimanche, le bedeau veilla chez Mathias Gauvin, le fils à défunt Pierre. Sur