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— C’est de la mauvaise terre, de la terre frette !… et c’est trop proche du grand ru’sseau ; il serait toujours à la pêche !

— Tiens ! dit l’oncle Pitre, le dernier des garçons, qui travaillait sans cesse une moustache de trois semaines, c’est pas tout ça ! on va lui donner le renchaussage !

Ce fut à nouveau une joie générale. Grand-père, les mains sur les genoux, riait en montrant ses dernières dents ; dans son coin le rouet s’arrêta, l’oncle Jean alla se pomper un gobelet d’eau fraîche, le chien lui-même, intrigué, changea de place, tandis que tante Phonsine prononçait l’idée bonne et promettait de faire les travaux de créatures. Du cadre de la porte, les petits écornifleurs disparurent à toutes jambes, allant porter à tout le bas du rang la nouvelle de l’arrivée d’un petit monsieur de la ville pour cultiver le renchaussage au père Norbert !


Les petits écornifleurs disparurent à toutes jambes…

Et voilà comment je devins tenancier du renchaussage ! On était à la fin de juin, et déjà le grain paraissait dans les champs. Je me mis bravement à l’œuvre et bientôt il y eut sur le renchaussage des petits carrés soigneusement ratissés, de minuscules clôtures de perches, des râteliers pour les chevaux, des parcs pour les vaches et un hangar pour le roulant. Car, vous pensez bien, on ne cultive pas, même sur le ren-