Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/73

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et le tisonnier rougi au feu, sans un clou, il vous amanchait des râteaux, des charrettes et des traîneaux qui excitaient au plus haut point ma naïve admiration.

Mes semences faites, ce fut


Le triste et long sommeil de la graine lancée !


et j’eus de la morte-saison. Le long des routes les églantiers fleurirent ; dans les champs les fraisiers innombrables effeuillèrent leurs pétales. Bientôt du fond de l’herbe monta, dans l’air tiède, l’odeur délicieuse que, pour la fraise mûrissante, le soleil compose des sucs les plus subtils de la terre printanière. Dès que la rosée tombait un peu, nous partions, grand’mère et moi, elle, portant le grand vaisseau, moi, le petit videux. Il fallait voir la vieille, en coiffe paysanne, enjamber les clôtures malgré ses soixante ans et gravir le coteau ! La surveillance était bien un peu étroite, mais de-ci de-là, les dos indulgents de bonnes grosses roches et les taillis de hart-rouge offraient des abris où l’on pouvait manger les plus mûres, les grosses sûrettes, et surtout les longues — luisantes et sucrées comme tout ! — qui poussent dans la terre noire. Et puis, au bord du bois, parmi les roches et les branchailles, courent les catherinettes. Ces fruitages-là, vous savez, ça