Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/84

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Et voyant qu’il voulait se moquer de moi, je lui décochai, comme il atteignait le gros pommettier, la flèche du Parthe :

— Pour votre morceau de sarrasin du cordon, vous aurez pas besoin de faire un bis, vous !

Or, Aimé Pâquin se piquait d’avoir toujours le plus beau sarrasin du rang de l’église !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Cette semaine-là, ce fut au tour de Baptiste Juneau d’aller mener le lait à la beurrerie. Vous ne connaissez pas Baptiste Juneau, comme de raison ! Un grand gaillard, terrible d’épaules, à figure large, imberbe, munie d’une paire d’oreilles invraisemblables, qui parlait toujours à tue-tête comme s’il avait eu cinq cents personnes devant lui. Je crois qu’il était né avec ses bottes sauvages, car je ne lui ai jamais vu autre chose dans les pieds, ni la semaine, ni le dimanche, ni le soir des noces de Ti Mond à Dieudonné, ni à l’enterrement de la fille à Poléon Demers. Il passait pour avaricieux, et bien que sa femme portât encore son mantelet de noces et qu’elle déchaussât ses petits gars tout de suite après la grand’messe, le bruit courait que Baptiste avait une chaudière à sucre remplie d’argent de papier, et que même si Médée Lavigne partait pour les États… Enfin, suffit !…