Page:Marie Lenéru - La Paix.djvu/36

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fondre encore sur le monde, que ce soit malgré nous, dans l’effondrement de tout notre effort, dans la ruine de tous nos espoirs, une seconde fois au moins que nous ne soyions pas trouvés dans l’indifférence, dans le sommeil, dans la sécurité de brutes où nous vivions…

Marguerite

Mabel…

Mabel

Oui, tenez… le pire c’est cela. Avant… laquelle de nous pensait à la guerre ? Laquelle de nous savait seulement qu’elle existe, qu’elle menace toujours ? avions-nous un battement de cœur, un frisson ? La guerre… c’était de la politique… la « politique étrangère »… allons donc ! … Est-ce que nos émotions allaient de ce côté-là ? Nos romans, nos drames… toujours la vie, le bonheur plus ou moins menacé d’un seul… (ironique.) Nous faisions la tragédie avec un seul homme, et la grande tragédie qui opère par milliers et par millions nous n’y pensions jamais. Nous pleurions sur le sort d’une femme et la guerre existait. Nous pleurions sur une vie brisée… et il y avait cela, ce comble de tout…