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les forçats du mariage

plutôt les émotions qu’il lui avait données et qu’elle cherchait à ressaisir ; n’étaient-ce pas plutôt une irritation de l’amour-propre froissé, une sorte de surexcitation jalouse ?

Cependant elle était bonne ; mais cette première affection blessée, dont elle saignait encore, la rendait souvent âpre, hautaine, presque dure. Elle semblait parfois prendre plaisir à faire souffrir Étienne, à le contrister ; puis elle se jetait à son cou en pleurant, lui demandait pardon et savait trouver, pour consoler ce cœur qu’elle venait de meurtrir sans pitié, des câlineries, des tendresses adorables.

Étienne, avec son angélique bonté et son amour sans bornes, non-seulement excusait tout, mais il eût volontiers demandé pardon lui-même des torts qu’elle avait envers lui. Il s’accusait de ne pas savoir l’aimer comme elle le méritait.

Les femmes ressemblent souvent à des enfants. Plus on les gâte, plus elles se montrent impérieuses, exigeantes. Juliette abusait donc de la grande douceur de son mari. Quelquefois même, elle lui en voulait d’être si bon, et de la contraindre ainsi à l’aimer.

Cependant, une fois ou deux déjà elle avait vu Étienne s’abandonner à la colère, une colère blanche, sans éclat, sans tempête, et qui néanmoins l’avait terrifiée.