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les forçats du mariage

véhémentes, que de souffrances aiguës ! Et la plus vive, n’est-ce pas cette inquiétude incessante au milieu même du bonheur, ces aspirations jamais assouvies vers une félicité plus grande encore ?

Robert trop heureux, et depuis trop longtemps, commençait à laisser paraître quelques symptômes de lassitude. Comme tous ceux qui aiment, Juliette s’aperçut vite de ce refroidissement. C’était la première fois que Robert se montrait aussi constant ; car jusqu’alors il avait toujours mené de front plusieurs intrigues. Ce qui l’avait fixé quelque temps, c’est qu’il trouvait dans Juliette, tour à tour tendre et passionnée, sentimentale et coquette, romanesque et sceptique, plusieurs femmes à la fois.

Elle avait, ce qu’on appelle en art dramatique, des retours de scène si inattendus qu’elle le captivait, l’étourdissait au moment même où l’ennui allait l’envahir.

Mais ce que voulait maintenant Robert, c’était le nouveau, l’inconnu. Avec sa divination féminine, Juliette prévit ce moment fatal de la satiété. Cependant, elle voulut lutter encore.

Elle redevint alors jalouse de Nana. Elle se rappelait ses gestes, ses paroles, ses airs lascifs.

Elle tâcherait de l’imiter, s’il fallait à Robert ces folles ivresses et ces joies dégradantes.

Un symptôme caractéristique de notre époque de décadence commençait à se produire. Les très-