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les forçats du mariage

Étienne comprit que la jalousie causait cet égarement.

— Elle l’aime encore, pensa-t-il.

Le juge se retira. Sa conviction était formée.

Cependant, il se faisait en Juliette une révolution profonde, la révolution du dégoût, le plus horrible châtiment pour la femme qui a aimé.

— Ah ! vous êtes bien vengé, Étienne, dit-elle, mieux vengé que si vous m’eussiez laissé mourir, vengé par la honte, par la dernière des humiliations. Partons tout de suite : que je n’entende pas mon nom mêlé à celui de cet homme, mon nom mêlé à un procès criminel, mon nom, que dis-je ? le vôtre. Ah ! je suis une infâme créature. Je ne mérite pas votre pitié. Non, chassez-moi, reniez-moi, car votre bonté me rend plus vile encore. Jamais je n’oserai vous regarder en face, vous si grand, si généreux ; et moi…

Ce repentir était si sincère cette fois, qu’Étienne en fut ébranlé. Sauver du désespoir cette femme si humiliée, la relever par le pardon complet, tel fut l’élan de son cœur.

— Je te pardonne, pauvre femme, dit-il avec une voix et un regard pleins d’une bonté infinie.

Huit jours après ils étaient à Nantes, attendant un départ pour Rio-Janeiro.

L’affaire Bassou se jugea en septembre.

Les débats ayant établi la culpabilité de Lucette,