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les forçats du mariage

» J’ai un enfant, pourtant, une fille qui vous ressemble, Robert. Ce sont vos regards, votre sourire, vos beaux cheveux dorés comme un rayon de soleil. Je reste des journées entières à la contempler ; car, à sa vue, je me souviens ; je me souviens, et c’est pourquoi tout à coup je ne puis plus la voir sans colère ; je me sens tout embrasée par les souvenirs qui m’envahissent comme une fièvre.

» Avec le regret du pays, voilà la maladie qui me tue.

» Cependant j’ai voulu aimer ma fille ; je me suis jetée dans la maternité avec passion ; je croyais qu’elle me sauverait, qu’elle éteindrait dans mon cœur toute autre flamme. Hélas ! l’amour le possède tout entier. Je ne puis vivre sans amour.

» Et j’ai beau faire, je ne puis aimer Étienne comme je vous ai aimé, Robert. Cependant, il est si bon pour moi ! Il a voulu me faire ici la vie heureuse, aussi française que possible. J’ai une maison confortable, luxueuse même, avec des meubles français. Mes modes viennent de Paris. Un Parisien qui descendrait ici, se croirait transporté dans un appartement de la Chaussée-d’Antin.

» Pour me plaire, il cherche à aimer cet enfant, qui vous ressemble. Il la caresse. L’enfant l’aime et lui sourit. Mais quand il ne sait pas que je l’observe, je vois bien, à la tristesse qui se répand sur son visage, qu’il est malheureux, qu’il souffre par moi et sans se plaindre. Ah ! je préférerais sa co-