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les forçats du mariage

» Aussi, on dirait qu’elle comprend l’inépuisable bonté de votre cœur. Elle vous aime plus que moi. C’est vous qu’elle appellera à son réveil, c’est à vous qu’elle tendra les bras. Étienne, ne repoussez pas ma petite Juana ; car elle est innocente, elle. Vous ne voudrez pas non plus m’en séparer à jamais ; vous ne voudrez pas que je meure sans la revoir.

» Au moment de vous quitter, je fais, croyez-le, un retour bien douloureux sur le passé. Je sens profondément mes torts. Et cependant, il y a bien de la fatalité dans votre malheur et dans le mien. Si je vous ai fait souffrir, ce n’est pas sans souffrir moi-même. Hélas ! nous n’étions pas faits l’un pour l’autre.

» Quand je vous ai épousé, je vous ai trompé sans doute, puisque je ne vous aimais pas comme vous m’aimiez ; mais je ne croyais plus aimer Robert, je croyais le haïr. Le monde d’ailleurs n’admet-il pas ces mariages de pure convenance dans lesquels l’amour n’entre point ? Enfin, je ne me connaissais pas.

» Pouvais-je supposer qu’il y eût en moi tant de passions mauvaises ? Je ne sais par moment quel démon me possède ; l’impureté est dans mon âme, quoi que je fasse. J’ai voulu la combattre en vous aimant, en aimant ma fille. Je sentais que ces douces affections m’eussent purifiée, réhabilitée. Eh bien ! elles n’ont pu remplir ma vie. C’est le vide,