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les forçats du mariage

son caractère passionné, avait une teinte de poésie et de sentiment qui en augmentait le prestige. La beauté des premières années, en effet, n’a ni ces ombres, ni cette flamme, ni ces hardiesses, ni ces mystères.

En la voyant, Pierre Fromont, fasciné, honteux de sa laideur, se montra tout à fait gauche et timide. Il balbutia les excuses de Robert ; mais, à l’éclair qui passa dans les yeux de Juliette, à la rougeur subite de son visage, il vit qu’elle n’était pas dupe de ce mensonge, et qu’elle attribuait l’absence de Robert à la vraie cause : son indifférence.

Elle reçut donc assez mal le pauvre Pierre, à peu près comme un intendant ou un premier domestique. Pendant le trajet du Havre à Paris, prétextant une grande fatigue, elle lui parla fort peu, et le remercia froidement. Toutefois, elle l’autorisa à revenir prendre de ses nouvelles.

Le lendemain matin, M. Rabourdet, prévenu, vint la chercher à l’hôtel d’Angleterre, où elle était descendue, et la conduisit dans un appartement, à la fois discret et somptueux, situé rue Caumartin. Il s’excusa galamment de n’avoir pu mieux faire. Il eût voulu lui offrir l’hospitalité dans l’hôtel même de la rue de Courcelles, qu’il possédait encore ; mais cet hôtel était loué pour une année. Aussitôt vacant, il le mettrait à sa disposition.

Tout cela fut dit d’une façon si respectueuse, que Juliette ne put s’en offenser.