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leurs voix se perdaient dans les mille voix de l’ouragan.

L’artiste jeta ses vêtements, et plongea.

L’autre hélait toujours. Penché sur l’abîme, il sondait le gouffre d’un regard plein de terreur.

Cependant, les secours arrivèrent. Il était temps. Vingt fois le sauveteur avait saisi Étienne ; vingt fois la vague les avait séparés. Ses forces étaient à bout.

Une heure après, Étienne, ranimé, se trouvait couché à l’hôtel de Bretagne. Il avait une forte fièvre, accompagnée d’assoupissement. Toutefois, le médecin déclara qu’un bon sommeil le remettrait, et que le lendemain il serait sur pied.

Mais Étienne ne put dormir. À travers la mince cloison qui le séparait de ses voisins, une conversation, qui lui parut d’abord un rêve, un effet du délire, tint son esprit en éveil.

Les deux amis qui l’avaient sauvé, soupaient avant de se coucher ; car on entendait le bruit des verres et des fourchettes se mêler à celui des paroles.

— Quelle chose bizarre ! disait l’artiste, n’ai-je pas cru reconnaître tout à l’heure dans mon noyé un homme que je n’ai vu qu’une fois, mais dans une circonstance difficile à oublier ? Bah ! c’est impossible. Il y a huit ans, tout au plus, M. Moriceau était encore fort jeune, et cet homme a les cheveux blancs. Quelle ressemblance pourtant !