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les forçats du mariage

Il vacillait dans la rue comme un homme ivre.

Il resta quelque temps enfoncé dans sa voiture sans penser à rien, plongé dans une somnolence voluptueuse. Cependant, peu à peu, il reprit conscience de sa situation et put envisager froidement les nouveaux embarras qu’il venait de se créer.

Qu’allait-il faire de cet amour ? Sans doute, il préférait Juliette à Marcelle ; mais Marcelle le sauvait de la misère, qu’avant tout il redoutait. Que résoudre ? Un tel tumulte de pensées tournoyait dans son cerveau qu’il n’arriva pas à former une résolution. Il attendrait au lendemain pour prendre un parti.

Il était maintenant trop tard pour se présenter chez les Rabourdet. Néanmoins il dit à son cocher : rue de Provence, 27. Il passa devant l’hôtel ; toutes les lumières étaient éteintes.

— Je ne dormirai pas, pensa-t-il.

Il se fit conduire à son cercle.

Il y trouva nombreuse réunion. On y jouait gros jeu.

— Je vais jouer, se dit-il, et si je gagne, j’épouserai Juliette. Le hasard déconcerte si souvent nos prévisions et nos projets les plus mûrement réfléchis, que le plus sage est peut-être de ne consulter que lui.

Cette idée de remettre au hasard le soin de trancher les difficultés de sa position, de jouer ainsi sa destinée au lansquenet, lui parut originale. Il n’aurait d’ailleurs pas la peine d’y penser.