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les forçats du mariage

trable ; pas un muscle de son visage ne bougeait ; sa main très-petite et brune ramassait l’or ou le jetait sur le tapis, sans qu’on y pût découvrir le moindre frémissement. Sa voix, particulièrement harmonieuse, ne vibrait pas.

— Je tiens ! Banco ! Je les fais ! À moi !

Il prononçait ces mots avec un sourire si calme qu’on l’eût pu croire également indifférent à la perte comme au gain.

Le seul signe extérieur qui trahît chez lui une émotion assez vive, c’était la sueur qui perlait à son front. De temps à autre, on voyait une gouttelette rouler sur la tempe et se perdre dans les favoris.

— Il me semble, lui dit tout à coup Robert, que pour un homme qui accuse des goûts modestes, vous jouez un joli jeu.

— J’ai la passion du jeu, répondit-il tranquillement, en attendant que j’en aie d’autres.

— Tiens ! vous avez des passions. Ma parole ! on ne s’en douterait pas.

— Mon Dieu ! oui, j’ai des passions, reprit-il avec le même sourire impassible, ou pour parler plus exactement, je les sens qui couvent. Les occasions seules m’ont manqué.

— Cependant c’est ce qui manque le moins. Le diable ne s’occupe donc pas de vous ?

— Comme marin, je n’ai pu avoir que des amours de passage.