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les forçats du mariage

absolu, tyrannique. Un phrénologue lui ayant dit, à l’aspect de son crâne chauve et élevé : « Vous avez la bosse de l’autorité, vous êtes né pour le commandement, » il fallait que tout ployât au moindre de ses caprices.

Mme  Sophie Rabourdet était une petite femme rondelette, douce, un peu timide et passive. Vivant avec un être qui se croyait digne de commander à l’univers, elle s’était naturellement reléguée au second plan. C’était une de ces natures prédestinées au martyre. Elle avait beaucoup souffert néanmoins avant d’être brisée ainsi. D’abord elle avait aimé ou plutôt adoré son mari comme un fétiche, un demi-dieu ; mais M. Rabourdet avait dédaigné cette tendresse, qu’il trouvait trop bourgeoise.

Enfin, la pauvre femme avait appris un beau jour que son mari entretenait une danseuse et fréquentait les coulisses.

Ç’avait été le dernier coup. Alors toute sa tendresse refoulée se reporta sur sa fille. Elle n’eut plus qu’une passion, un mobile, l’amour maternel. Elle poussait si loin ce sentiment, qu’il touchait parfois au ridicule, mais souvent au sublime. C’était une adoration aveugle, un dévouement, une abnégation de tous les instants. Longtemps elle avait tremblé pour les jours de Marcelle. Elle s’était habituée à mille soins qu’elle croyait encore nécessaires. Elle la voyait toujours enfant et la couvait de cette sollicitude inquiète qui ne s’adresse d’or-