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les forçats du mariage

véhémence presque sensuelle qu’apportent les jeunes mystiques dans l’amour divin. Mais cette piété brûlante n’était point dans sa nature plus matérielle que contemplative. Aussi le beau comte de Luz eut-il bien vite supplanté le divin Jésus.

D’ailleurs Robert était le seul qui lui eût montré de l’intérêt, de l’affection. Était-il surprenant que cet amour eût fait en elle une aussi violente explosion ? C’était comme un incendie longtemps couvé et qui tout d’un coup jette sa flamme d’autant plus intense, incompressible, qu’elle a été plus longtemps contenue.

Elle ne douta point de l’amour de Robert.

— Enfin, je suis aimée ! répétait-elle avec ivresse.

Il lui semblait voir tout autour d’elle ces mots flamboyer : « Je suis aimée ! » C’était comme une clarté soudaine qui se répandait dans sa vie sombre et triste.

Elle priait Dieu, le remerciait de son bonheur. Elle riait, pleurait, et soudain, au souvenir de cette heure d’amour, elle ployait tout alanguie, et ses lèvres frémissantes murmuraient :

— Robert ! mon Robert ! je t’aime !

Avec quelle impatience fiévreuse elle attendit le lendemain !

Il allait venir !

À cette pensée, son cœur battait avec force : le bonheur l’oppressait.