Aller au contenu

Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104

L’odeur du sang et de la poudre lui fit oublier en un instant Rélia, Mariora, peut-être Liatoukine. Il se jeta dans la mêlée, sabrant, visant, tirant avec une sorte de désespoir. Il était terrible ainsi, et les cadavres turcs s’amoncelaient autour de lui. Il crut distinguer au loin la stature de Mitica qui défendait contre une bande de forcenés l’aigle roumaine, veuve de sa hampe. Cette vision dura deux secondes et tout redevint confus à ses yeux. Malgré l’habileté incontestée de Cerneano et le courage inébranlable des soldats, les Roumains perdaient visiblement du terrain. La stratégie n’avait que faire devant cette artillerie foudroyante ; il fallait des hommes, des hommes qui eussent formé une muraille de chair assez épaisse pour que les boulets ne pussent l’entamer. Cerneano s’arrachait les cheveux et, tout en exhortant ce qui lui restait de troupes : — Nous ne l’aurons pas, nous ne l’aurons pas ! murmurait-il.

— Hourrah ! s’écria tout à coup une voix qui résonna comme celle d’un ange sauveur aux oreilles des assiégeants, le colonel Boris Liatoukine nous apporte du renfort !

Tous les regards se dirigèrent, toutes les espérances se tournèrent vers le régiment Cosaque qui croissait dans la bruine comme une armée-fantôme dans un rêve, et, tandis que les Roumains saluaient par des « Traiéscà Russia !  »[1] répétés cette apparition inattendue : — Liatoukine ! murmura Ioan subitement rendu à ses idées de vengeance, Liatoukine ! Avant que l’heure présente soit écoulée, mon poignard aura vu la couleur de son sang !

Malgré l’obscurité profonde de cette nuit fatale, malgré

  1. Vive la Russie.