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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/15

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— Isacesco ! firent les paysans qui formèrent aussitôt un cercle autour du soldat, avides qu’ils étaient d’entendre démentir la mauvaise nouvelle apportée par Mitica. Hélas ! le dorobantz ne put que la confirmer.

Furieux, exaspérés, les paysans abandonnèrent leur travail et prirent en courant le chemin opposé à celui qui mène à Bucharest.

— Ne dites rien aux femmes ! leur cria Isacesco. Mitica et le dorobantz échangèrent quelques paroles.

— Tu viens de Bucharest ? demanda Isacesco.

— Et j’y retourne, dit Mitica. Mariora t’attend, ajouta-t-il avec un sourire.

— Pauvre Mariora ! soupira le dorobantz.

Mitica posa son doigt sur ses lèvres comme pour recommander le silence. Isacesco fit signe qu’il avait compris et demeura seul avec son père, tandis que son ami, dont rien ne pouvait détruire la robuste gaieté, s’éloignait en sifflant.

Ioan Isacesco paraissait âgé de vingt-deux à vingt-trois ans. Les traits distinctifs de sa race étaient réunis en lui ; et quand bien même il n’aurait pas porté l’étrange uniforme des dorobantzi, sa taille mince et élégante, son teint olivâtre, ses cheveux noirs et bouclés plantés fort avant sur le front et surtout ses yeux sombres et profonds dont l’éclat n’était adouci que par des cils d’une extrême longueur, eussent arraché aux Serbes, Russes, Bulgares ou Hongrois cette exclamation peut-être hostile et dédaigneuse : « C’est un Roumain ! »

Une ombre de moustache estompait sa lèvre supérieure, et le seul défaut qu’un artiste eût reproché à ce visage, parfaitement beau d’ailleurs, était l’épaisseur extraordinaire des sourcils qui se rejoignaient presque