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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/17

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connue tout enfant, Isacesco demeurait immobile sur la rive. Son regard sévère rencontra les yeux de la petite folle, elle rougit, et, depuis ce moment, elle aima Isacesco. D’abord Isacesco ne répondit qu’avec tiédeur à cette affection dont l’origine était si bizarre ; il se laissait adorer par la jeune fille comme un dieu indou par un brahmane ; mais, un beau jour, il se trouva fort étonné d’aimer Mariora, sinon plus, du moins d’une tout autre façon qu’elle ne l’aimait lui-même.

Le vieux Mané s’appuyait au bras de son fils ; ils quittèrent la plaine que le soleil brûlait de ses rayons. Le maïs devait, certainement, donner double récolte cette année.

Mais les deux Isacesco ne songeaient pas au maïs !

Ils s’étaient engagés dans un chemin creux, assez étroit et bordé des deux côtés de buissons et d’arbres dont les racines perçaient la terre, et, tout en marchant, ils causaient.

— Dans huit jours ils vont proclamer l’indépendance du pays, disait Ioan, ils nous feront tirer le canon, puis ils nous dirigeront sur Giurgévo… avec une double ration de selbovitza[1] peut-être ! ajouta-t-il en souriant amèrement.

— Giurgévo ! fit Mané, Giurgévo !… c’est le Danube.

— Eh oui ! c’est le Danube !… rive droite ! Ils ne veulent pas nous le dire, parce qu’ils craignent une révolte. Mais nous le devinons bien ! Père, reprit-il après un silence et d’une voix plus basse, quand je serai parti, tu iras voir de temps en temps Mariora, n’est-ce pas ? Je lui dirai simplement que nous allons en garnison à Giur-

  1. Espèce d’eau-de-vie.