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c’est moi ! Beau sujet à discussion, ma foi ! Liatoukine, qui trouvait son compte à cette altercation, se garda bien d’éclaircir la chose, et savez-vous comment cela finit !… Les deux maris se battirent en duel !

Cette histoire rabelaisienne excita l’hilarité générale ; les officiers riaient de ce bon rire homérique dont les romanciers ont tant abusé, et qui ne fait jamais tant de bien que lorsqu’il éclate aux dépens d’autrui.

— Ne dit-on pas qu’il a été marié ? demanda Boleslas Brzemirski.

— Et deux fois encore ! fit Stenka Sokolitch qui eût pu rédiger la chronique scandaleuse de Saint-Pétersbourg. Sa première femme était une sèche et longue Polonaise ; huit jours de mariage, puis, crac !… plus de princesse Liatoukine !

— Elle était morte ? demanda Brzemirski qui n’avait pas l’esprit très-vif.

— Tiens ! La seconde avait la vie plus dure. Cela dura un mois. Un beau matin, tout Pétersbourg apprit que Liatoukine était redevenu veuf. On se disait à l’oreille que les deux femmes avaient été étranglées et qu’elles portaient toutes deux une petite marque rouge au cou, vous savez, la dent du Vampire…

— Bigre ! cela donne froid ! fit le Polonais, moitié en plaisantant, moitié sérieusement.

Inutile d’ajouter que pendant le récit de Sokolitch plusieurs bouteilles avaient été vidées jusqu’à la dernière goutte.

— Mais il ne viendra donc pas, ce cher Boris ! s’écria Bogoumil en se pendant avec désespoir au cordon d’une sonnette. Un garçon parut, et en un français qui sentait le Hongrois : — Que désirent vos seigneuries ?

— C’est Liatoukine, mon ami ; oui, nous l’avons perdu