Perdus dans la multitude marchent Mariora et Ioan, Zamfira et Mitica.
Zamfira a pleuré ; Sloboziano porte l’uniforme des dorobantzi et sa gaîté semble être restée à Baniassa. Isacesco est distrait ; seule, Mariora habille comme à l’ordinaire, non sans jeter parfois un regard mécontent du côté de Mitica et de la Tzigane qui parlent bas. Mariora ne peut entendre ce qu’ils disent, c’est grand dommage !
— Giurgévo ! dit-elle en riant, quelle singulière idée leur est venue de t’envoyer à Giurgévo ! Je croyais que les dorobantzi ne tenaient jamais garnison que dans les villes qu’ils habitaient, moi.
— Pas toujours, répondit Ioan qui craignait d’en trop dire.
— Et resteras-tu longtemps à Giurgévo ?
— Je ne crois pas, dit-il en tourmentant les boucles de sa ceinture.
Mariora battit des mains.
— Tant mieux ! s’écria-t-elle. Mais, reprit-elle avec tristesse, je vais bien m’ennuyer pendant que tu seras parti !
— Crois-tu ? fit-il avec un demi-sourire.
Mariora poussa un gros soupir et leva les yeux au ciel.
— Mon père viendra te voir souvent, il…
— Ton père ? Ce n’est pas toi !… Oh ! mais ce n’est pas du tout la même chose ! s’écria-t-elle en rougissant.
Ioan serra doucement sa petite main dans la sienne et ils marchèrent quelques instants en silence.
— Et nous ne sommes pas encore mariés ! dit Mariora avec humeur ; si nous l’avions été, je t’aurais accompagné dans cette vilaine ville que je hais ! Écoute, reprit-elle mystérieusement, je suis jalouse de Giurgévo ?
— Jalouse ? de Giurgévo ?…