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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/92

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cle de son visage ne frémissait : on eût dit que nulle haine n’avait jamais bouleversé son âme. Et pourtant son ennemi était devant lui, nonchalamment couché sur un divan, à portée de poignard ! Et pourtant Isacesco voyait son ennemi !

— Qui de vous est Boris Liatoukine ? demanda-t-il froidement.

— C’est moi ! fit le prince en se soulevant à demi. As-tu la mémoire si courte que tu ne puisses me reconnaître ? ajouta-t-il ironiquement. La missive impériale glissa aux pieds du messager.

— Oh ! si ! je te reconnais ! dit-il avec un sourire amer. Fidèle est la mémoire du Roumain, fidèle est aussi son kangiar ! Mais j’ignorais le nom du monstre qui met sa gloire à insulter les vieillards, à battre les enfants et à outrager les femmes !

— Mon garçon, dit Bogoumil en frappant sur l’épaule d’Isacesco qui fit un pas en arrière pour éviter le contact de l’ivrogne, tu n’es guère poli et tu parles comme mon oncle l’archimandrite. Je t’en prie, suspends tes pieux sermons : nous sortons de carême et la morale m’agace les nerfs !

Un regard irrité de Boris imposa silence à Tchestakoff.

— Tu fais allusion à la Sloboziano ? dit tranquillement Liatoukine qui ramassa la lettre du grand-duc avec la pointe de son sabre. Messieurs, poursuivit-il en s’adressant à ses compagnons de débauche, il s’agit de la Mariora.

— La Mariora ! s’écria Iégor en lissant sa moustache, je l’ai connue : c’est un beau brin de fille !

— Je l’ai connue aussi : elle n’était pas farouche ! fit Stenka en pirouettant sur lui-même.