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Pont-Sainte-Maxence, qui écrivait à Cantorbéry, au douzième siècle, a soin, comme Marie, de prévenir ses auditeurs ou ses lecteurs qu’il est né Français, et qu’ainsi ses poésies doivent être plus estimées pour la correction et la pureté du style, que celles des poètes anglo-normands nés en Angleterre.

Une courte digression est peut-être nécessaire ici à l’intelligence de ce qui précède. Quand Philippe-Auguste, mettant à profit l’apathie du roi d’Angleterre Jean-Sans-Terre, et ses querelles avec les barons, se fut emparé de la Normandie, du Maine, du Poitou et de plusieurs autres provinces que les Anglais possédaient encore en France (1204), il s’établit un courant d’émigration considérable vers la Grande-Bretagne. Un grand nombre de seigneurs que leur attachement aux ducs royaux de Normandie empêchait de se soumettre au roi de France, repassèrent la Manche ; à leur suite partirent ces trouvères accoutumés à vivre des bienfaits intelligents de Guillaume-le-Conquérant. Ils allèrent rejoindre ceux qui, dès le siècle précédent, s’étaient établis en Angleterre, comme Guernes, Benoît de Sainte-Maure, Wace, et tant d’autres, comptant y trouver comme eux une généreuse hospitalité. Une autre raison les poussait peut-être à cette désertion, comme le fait observer M. de Roquefort, c’est le peu de cas que Philippe-Auguste faisait des jongleurs ; c’est surtout le désir de se soustraire aux mesures vexatoires prises contre eux par ce prince, et qui furent renouvelées sous le règne de Saint-Louis. D’ailleurs, Marie avait d’autres raisons de passer en Angleterre. Nous verrons plus tard qu’elle était de noble race, et il est probable que sa famille fut de celles qui restèrent fidèles au roi anglo-normand dépossédé, et qu’elle fut emmenée dès son bas-âge à la cour d’Angleterre. Si elle composa toujours en langue d’oïl, ce fut sans doute par attachement pour son pays natal, et aussi pour suivre ce mouvement général qui portait toutes les nations de l’Europe à parler la