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LAI D’ÉQUITAN.

chante soit-elle, qui ne veuille aimer ou faire un amant ; car enfin, que seroit sa courtoisie si elle n’aimoit tendrement. Non, il n’est point de femme sur la terre qui ne sacrifie à l’amour[1]. Si mon sénéchal vient à connoître mes sentiments pour sa moitié, il ne pourra pas en être fâché, car il ne doit pas certainement la garder pour lui seul ; puis enfin je le renverrai et me séparerai de lui. Après ces réflexions, Équitan soupira et se prit à dire : Parbleu je prends bien de la peine d’avance, puisque je ne sais pas encore si la belle veut m’accepter pour ami ; mais dès aujourd’hui je saurai si elle partage mes sentiments, je perdrai, je l’espère, ce chagrin qui m’accable nuit et jour, sans me laisser un instant de repos.

Le jour que le prince attendoit avec tant d’impatience vint enfin à paroître. Aussitôt il se lève et part pour la chasse, mais il ordonne bientôt de rentrer sous le prétexte

  1. Vers 83

    Suz ciel n’ad hume si ele amast.

    Hume est évidemment une faute de copie.