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LAI D’ÉQUITAN.

de votre dignité pour que vous espériez et que vous n’ayez point songé à cette difficulté. D’ailleurs, sire, l’amour n’est heureux qu’entre gens de conditions égales ; mieux vaut un homme peu favorisé des dons de la fortune, s’il joint la prudence à la valeur. Ses vœux sont plus agréables à recevoir que ceux d’un prince ou d’un roi, personnages bien rarement fidèles. Qui aime dans une classe plus élevée fait bien ; l’homme riche et puissant ne croit pas qu’on puisse lui enlever sa mie, et pense que celle-ci doit l’aimer à cause de sa naissance et de ses privilèges. Ah, madame, répondit Équitan, ce que vous me dites n’est pas aimable ; permettez-moi de vous faire observer que les exemples que vous me citez sont des dictons de bourgeois, qui placent toujours mal leur affection. J’oserai vous dire qu’il n’est aucune femme bien née qui, si elle n’est point changeante et qu’elle veuille aimer, n’accorde sa tendresse à un prince et ne l’aime véritablement. Quant à ces grands seigneurs qui, par goût du changement, courent de belle en belle, ils doi-