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LAI DU FRÊNE.

que le mari de la dame avoit rapportée de Constantinople. Jamais aussi belle étoffe ne fut vue. Avec un bout de ruban on lui lia au bras un gros anneau d’or qui pesoit plus d’une once. Il étoit entouré de grenats, et l’on y fit graver le nom de l’endroit où l’enfant devoit être déposé. Cette précaution fut prise afin que ceux qui trouveroient la pauvre petite, apprissent qu’elle étoit bien née et qu’elle appartenoit à des gens riches. La pucelle prit l’enfant et l’emporta de la chambre ; profitant de l’obscurité et du silence de la nuit pour sortir de la ville, elle prend d’abord le grand chemin, traverse la forêt, puis au loin, sur la droite, la pucelle ayant entendu le chant des coqs et l’aboyement des chiens, elle présuma que de ce côté il devoit y avoir une ville. Cet espoir ranime ses forces et lui fait doubler le pas. Son attente ne fut pas trompée, elle entra dans une ville considérable, où se trouvoit une riche abbaye de femmes. Quantité de nones y étoient sous la direction d’une abbesse. La jeune personne après avoir considéré les différentes parties du monas-