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LAI D’YWENEC.

ma mort. Je ne sais ce que peut avoir ce vieux jaloux pour me retenir en esclavage ; quelle folie et quelle sottise de toujours craindre d’être trahi ! Je ne puis aller à l’église ni entendre les offices. Si je pouvois du moins causer avec quelqu’un et me promener, j’oublierois les torts de mon époux dans les moments mêmes où j’en aurois le moins d’envie. Maudits soient mes parents et tous ceux qui m’ont fait contracter une pareille alliance ! Le mien est si vigoureusement constitué que je ne puis espérer sa mort. Sans doute qu’à son baptême il fut plongé dans le fleuve d’enfer[1] ; car ses veines pleines de sang, la force de ses muscles, appartiennent à un homme robuste.

J’ai souvent entendu raconter que dans les temps anciens, il arrivoit souvent aux affligés d’avoir des aventures qui mettoient un terme à leurs chagrins. Les chevaliers trouvoient des maîtresses charmantes, et

  1. Imitation d’Homère où Achille est plongé dans le Styx.