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LAI DE MILON.

soin de son neveu et renvoya les valets chez leur maître.

Milon quitta son pays pour aller servir un prince étranger. Pendant son absence, le baron maria sa fille à l’un de ses voisins, homme très-vaillant et fort estimé. Quel fut le désespoir de cette tendre amante en apprenant la nouvelle de cet hymen ! D’un côté elle regrette Milon ; de l’autre elle craint que son époux ne s’aperçoive qu’elle a été mère. Non-seulement je ne suis plus vierge, mais je crains encore, en perdant mon mari, de descendre au rang de servante pour le reste de mes jours. Je ne me doutois pas qu’il en fût ainsi, je pensois au contraire ne jamais appartenir qu’à mon amant. Il me convient de mourir pour le chagrin que j’éprouve, mais je ne suis pas libre. Malheureusement je suis entourée de gardiens vieux et jeunes, de chambellans qui, haïssant l’amour, ne semblent s’amuser que de la tristesse des autres. Il faut donc renfermer ma douleur puisque je ne peux mourir. Enfin, les noces eurent lieu, et le