Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, I, 1820.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
373
LAI DU CHAITIVEL.

chissoit et se demandoit lequel, parmi les chevaliers, il lui conviendroit d’aimer. Ils étoient également aimables, vaillants, comment pouvoir se déterminer, puisqu’en prenant un amant, elle en perdoit trois. Aussi faisoit-elle bonne mine à tous, recevoit des cadeaux, des messages et leur en rendoit d’autres ; elle n’accordoit rien et laissoit croire à chacun d’eux qu’il étoit le préféré. Dans toutes les joutes les quatre rivaux vouloient toujours être les premiers et remporter le prix. Lorsque les chevaliers étoient rassemblés tous quatre la tenoient pour amie et, en signe d’amour, ils portoient un présent qu’ils tenoient d’elle. L’un avoit sa bague, le second une manche ; celui-ci un gonfanon[1], celui-là une écharpe. Enfin, tous quatre n’avoient pour cri d’armes[2] que le nom de la belle dame.

  1. Sorte de banderole terminée en pointe que les chevaliers portoient au bout de leurs lances. Les rois portoient aussi cet ornement qui s’attachoit près du fer, à peu-près dans le même genre que dans les corps de lanciers polonois.
  2. Clameur martiale dont l’usage date de l’origine de la chevalerie, et qui finit par remplacer la chanson de Roland et autres chansons de geste. Le cri d’armes se prononçoit au commencement et au milieu du combat, pour animer les troupes ; lorsque le chef, le commandant des troupes, entraîné par son courage, venoit à être enveloppé par l’ennemi, le cri d’armes indiquoit qu’il avoit besoin de secours et que ses soldats devoient marcher pour le délivrer. On les divise en huit espèces dont la première et la plus ordinaire, est le cri des bannerets et des comtes, etc. La seconde espèce est le cri d’invocation ; la troisième le cri de résolution. La quatrième est le cri d’exhortation et la suivante est le cri de défi. La sixième est le cri de carnage et de terreur ; la septième espèce le cri d’événement ; enfin la huitième et dernière espèce est le cri de ralliement. Voy. sur les cris d’armes les XIe et XIIe dissertations de Du Cange, sur l’Histoire de saint Louis, p. 203.—225.