Page:Marie de France - Poésies, éd. Roquefort, I, 1820.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
381
LAI DU CHAITIVEL.

est instruite de la mort de ses amants, la dame tombe sans connoissance et ne reprend l’usage de ses sens que pour exhaler ses plaintes et ses regrets. Malheureuse que je suis, dit-elle, que vais-je devenir ? plus jamais je n’aurai de plaisir. J’ai perdu les quatre chevaliers qui m’aimoient sincèrement ; outre l’amour extrême qu’ils me portoient, combien ils étoient beaux, preux, vaillants, et généreux ! J’avois toute leur tendresse et je ne veux pas en perdre trois pour en garder un seul. Mais quel est celui que je dois plaindre davantage ? Je ne peux me faire illusion, trois ont perdu la vie et l’autre est dangereusement blessé. Je vais faire inhumer convenablement les premiers et aviser au moyen de guérir l’autre que je mettrai entre les mains des meilleurs chirurgiens. La dame fait transporter le blessé dans sa maison. Par le grand amour qu’elle portoit à ses amants, elle leur fit faire des funérailles magnifiques qui eurent lieu dans une riche abbaye à laquelle la dame donna beaucoup d’argent. Que Dieu veuille accorder sa mi-