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LAI DE GRAELENT

faute. La dame touchée des prières de ses suivantes, et d’ailleurs ne pouvant rester indifférente à la mort de son ami, court aussitôt après Graelent, le saisit par le corps et l’emmène sur le rivage. Lorsqu’il fut bien revenu à lui, on le fait changer de vêtements ; et comme il avoit froid, la fée le couvre de son manteau. Elle le conduisit dans sa terre, et les habitants de la Bretagne assurent que le chevalier existe encore dans cette terre.

Le bon cheval de Graelent s’échappa de la rivière, et il eut bien du chagrin de ne pouvoir retrouver son maître. Il se retira dans la forêt, et ne reposoit jamais, soit de jour soit de nuit. Il frappoit la terre de ses pieds, il hennissoit si fortement qu’il fut entendu par tous ceux du pays. Plusieurs qui avoient pensé pouvoir le prendre, n’en purent jamais approcher. Il s’enfuyoit dès