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les petits événements de son existence monotone que ses tristesses sans cause, ses regrets et ses rêves imprécis d’aventures. Déjà il s’attriste des ravages qu’exerce le temps non seulement sur les êtres et les choses qui l’entourent mais plus encore sur lui-même.

Peu à peu cependant l’incantation des ailleurs se fait plus obsédante. C’est à la Limoise le journal de bord d’un marin d’autrefois faisant surgir tout à coup le monde ensoleillé des tropiques avec sa vue multicolore, évoquant la vie de marin avec tout l’imprévu des aventures. C’est le retour, du frère, emplissant la maison d’objets rapportés de « l’Ile-délicieuse », pirogue à voiles, colliers de coquilles et coiffes à plumes de naturels polynésiens.

Mais le frère de Loti s’en va. C’est alors que les premiers rêves d’amour imprécis viennent troubler le cœur de l’adolescent. Il découvre Musset, mais les épîtres dédiées par ses camarades à de petites ouvrières le préservent à la fois et de la velléité de rimer et du goût des intrigues banales qui occupent d’ordinaire les loisirs des jeunes gens.

Il sent se préciser ses projets de vie errante, et après mûre réflexion, par une après-midi de septembre (il a alors 14 ans) il écrit à son frère pour lui annoncer sa vocation décidée de marin. C’est à Paris que Loti commence à préparer le Borda. La vie de plaisirs bruyants et vulgaires de la plupart des étudiants ne le séduit pas et ne lui laisse par la suite que le souvenir « de choses fades, écœurantes, malsaines ». Épris d’existence libre, de grand