Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que fût le gain, néanmoins ce qui m’en restait et qui augmentait tous les jours n’était pas petit. Je vois par expérience que j’ai plus gagné là, sou à sou, qu’ici avec mes quarts d’écu, puisque, bien loin d’y pouvoir épargner quelque chose, j’y puis à peine vivre chaque jour. »

« Il faut de même, ajoutait saint Macaire, préférer ce peu de fruit que nous nous amassons continuellement dans la solitude, qui n’est jamais interrompu ni par les embarras du monde, ni par les mouvements de la vaine gloire, ni par les soins de la nourriture de chaque jour. Puisque le juste trouve plus de contentement dans le peu qu’il a, que dans toutes les richesses des pécheurs (Psal. xxxvi), il vaut mieux se contenter de ce gain, quoique petit, que d’en désirer un plus grand ; puisque, quand même on l’aurait acquis par l’heureuse conversion de beaucoup de personnes, on le dissiperait par la nécessité de converser avec le monde, et par des distractions et des inquiétudes continuelles.

L’historien Socrate rapporte de lui un trait de douceur qui gagna à Jésus-Christ un prêtre des idoles et plusieurs païens avec lui ; et il se servit de cet exemple pour apprendre aux autres solitaires que quelquefois les paroles insolentes et pleines d’orgueil font que les bons deviennent méchants, au lieu que les paroles humbles et douces changent les méchants et les rendent bons. Il allait de Scété à la montagne de Nitrie, accompagné de son disciple, auquel il dit d’aller devant. Sur quoi l’on doit observer que c’était assez l’usage des solitaires, lorsqu’ils allaient deux ou trois ensemble, de s’écarter un peu les uns des autres, pour s’empêcher de discourir vainement, et pour mieux se conserver en la présence de Dieu.

Ce disciple donc, l’ayant devancé d’un assez long espace de chemin, rencontra un prêtre idolâtre qui