Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/105

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ruine de Rome, et la trop grande multitude de moines a causé celle de Scété. »

Ce n’était pas sans sujet qu’il formait ces plaintes. On sait comment le trop grand nombre de solitaires donna occasion au relâchement et introduisit bien des abus dans les monastères, qui en causèrent enfin la ruine entière. Le lieu que le saint choisit pour sa retraite fut Troé, comme il avait fait la première fois. Divers solitaires d’Alexandrie, dont plusieurs même étaient considérables selon le monde, y vinrent un jour pour le voir. Il était malade, et, soit pour cette raison ou pour n’être pas troublé dans sa solitude par d’autres qui, à leur exemple, n’auraient pas manqué de lui faire leurs visites, il s’excusa de les voir ; de quoi ils furent un peu mécontents.

Il demeura dix ans dans ce lieu, après quoi une autre incursion des barbares l’obligea de se retirer à Canope, où il passa encore trois ans. Les solitaires qu’il avait refusé de voir à Troé ne se rebutèrent pas, et vinrent une seconde fois à Canope pour conférer avec lui. Il les reçut alors avec beaucoup de témoignages d’affection et de charité. Un d’eux se plaignit à lui de ce qu’il n’avait pas voulu lui donner la même consolation lorsqu’il était à Troé ; mais il lui fit entendre que ce n’avait pas été par mépris, mais par des raisons légitimes. Ces raisons, comme nous avons dit, étaient principalement pour n’être pas détourné de cette étroite retraite que Dieu lui avait recommandé de garder fidèlement. Cela fut cause encore qu’il demeura peu de temps à Canope, où il était trop importuné de visites, quelque moyen qu’il prît pour les éviter.

Il résolut donc d’abandonner sa cellule sans en rien emporter, et même de se séparer d’Alexandre et de Zoïle, ses deux disciples, pour vivre plus solitaire que jamais.