Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/128

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excès, qui sont souvent des piéges pour l’âme, et son historien remarque qu’il mangeait sans distinction de tout ce que sa profession lui permettait de manger, mais toujours en très-petite quantité et seulement pour soutenir le corps ; et par là il surmontait l’intempérance en mangeant fort peu, et la vanité en mangeant de tout sans affectation. Il en faisait de même à l’égard du sommeil, usant de discrétion pour ne pas se laisser accabler par les veilles ; mais il ne reposait point qu’il n’eût fait auparavant une longue oraison.

Il semble s’être dépeint lui-même, quoiqu’il tâche de s’abaisser en beaucoup d’endroits de son livre, lorsqu’il attribue trois vertus particulières aux anachorètes, qui sont une désoccupation du soin de toutes sortes d’affaires, une prière continuelle, une vigilance qui rend le cœur inaccessible aux démons. Cette privation entière de tout qu’il pratiquait et qu’il chérissait, bannissait de son esprit toute autre sollicitude et toute autre occupation que celle de plaire à Dieu. Sa vigilance sur les moindres mouvements de son cœur n’y laissait aucune ouverture aux esprits de ténèbres qui auraient voulu l’infecter ; et son esprit et son cœur, ainsi dégagés du souvenir et de l’affection de la terre, se trouvaient dans une entière liberté de s’élever à Dieu par l’oraison continuelle. Il explique, dans le degré du repos de la vie solitaire, en quoi consiste cette oraison. « Celui, dit-il, qui court sagement dans cette carrière sainte, à Dieu pour objet et pour règle dans tous ses exercices, dans toutes ses démarches et dans tous ses mouvements, et il ne fait rien qu’en la présence de Dieu et avec une ferveur tout intérieure. »

Par ce continuel souvenir de Dieu, il rectifiait tout ce qu’il faisait et jusqu’à ses moindres pensées ; mais au temps destiné particulièrement pour l’oraison, son