Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/51

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pratique de la perfection, et qu’on doit principalement s’attacher à bien renoncer de cœur et d’esprit à l’affection du monde et de soi-même. C’est ce qui fait le sujet du commencement de son entretien ; et il y revient encore pour mieux inculquer dans l’esprit de Rufin et de ses compagnons, que c’est à cela qu’ils doivent s’attacher avec toute l’application possible. Il confirme sa doctrine par trois exemples de différents solitaires qui tendent tous à prouver combien les vices sont dangereux, surtout l’orgueil et la vaine gloire, et que l’humilité est le solide fondement sur lequel on doit établir son ouvrage spirituel.

Le premier exemple est celui d’un solitaire qui avait vécu dans une grande austérité, ne se nourrissait que du travail de ses mains, passait les jours et les nuits en oraison, et excellait en toute sorte de vertus ; mais, jetant trop légèrement ses regards sur ses progrès, il en conçut des sentiments de vanité et de confiance en ses propres forces, d’où le démon, le trouvant disposé à écouter ses plus odieuses tentations, le fit tomber dans l’impureté ; après quoi cet infortuné, au lieu de recourir humblement à Dieu par la pénitence, se laissa aller au désespoir, quitta le désert, retourna dans le siècle, où il s’abandonna au libertinage avec tant de fureur et d’obstination, qu’il évitait soigneusement la rencontre des gens de bien, de peur que quelqu’un, par ses salutaires avis, ne le retirât de l’abîme où il s’était volontairement précipité.

Le second exemple, bien différent de ce premier, est celui d’un pécheur dont la vie était si criminelle, qu’il passait pour le plus fameux libertin de toute la ville. La miséricorde de Dieu le toucha du désir de faire pénitence. Il se convertit et se retira dans un sépulcre, où il effaçait par ses austérités et des ruisseaux de larmes les péchés sans nombre qu’il avait