Page:Marius-Ary Leblond - En France, 1909.djvu/28

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de l’Immaculée Conception écrivaient à Gabriel des billets pliés menu et noués de cheveux qu’à un signal elles lui envoyaient par-dessus le mur du Couvent dans des balles élastiques ou des coques de pistache ; il savait qu’elles pensaient intimement à lui et qu’elles se parfumaient et s’ornaient de faveurs en rêvant à ses yeux ; elles lui parlaient de la longueur de ses cils, de ses cheveux et de sa marche indolente dans les rues.

Il revenait d’une de ses tournées par la ville. Elles savaient son prochain départ et il avait pris pour elles le prestige d’un étudiant qui va être exposé aux tentations de la Métropole : elles avaient peur pour lui, voluptueusement. Mais il ne tirait pas vanité de toutes ces préoccupations : il n’avait point l’esprit généralisateur. Il ne pensait jamais qu’à une à la fois, fût-ce quelques secondes après avoir envoyé un baiser à une autre, ce qui se fait en promenant simplement un doigt sur les lèvres pour que les Sœurs gardiennes ne s’en aperçoivent pas trop. Il était tout entier à l’amour pour l’amour et non pour la vanité, par effet de tempérament colonial pour qui la parure sert à l’amour et non plus comme en Europe l’amour à la parure. Il prenait peu de souci de la confection de ses vêtements mais s’habillait toujours de blanc qui donnait la plus grande finesse à son teint brun. Et il portait fréquemment près de la bouche le mouchoir par le moyen duquel les amoureux se renouvellent l’assurance de leurs sentiments.

Il s’approcha immédiatement de Mme Fanjane. Il aimait peu Eva ou plutôt il ne songeait guère à