Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LE VENT SE LÈVE

de chances ! Je me dis encore — je deviens raisonnable : j’ai quarante-cinq ans — que Jacques, plus tard, qui paraît assez doué pour les lettres, assez intelligent, et avec qui je sympathise, trouvera à ça quelque intérêt. Et puis, ce n’est pas la question : il suffit que je prenne, moi, du plaisir à cette occupation. La vie, déjà, n’est pas si gaie.

Bon, Thérèse qui dispute encore ! Le jeudi est jour de lessive, et les enfants sont à la maison, mais pourquoi Thérèse s’obstine-t-elle à faire sa lessive ce jour-là ? Je le lui ai demandé. Le plus doucement possible. Il est vrai que je n’aurais peut-être pas dû le lui demander un jeudi soir : elle était alors si fatiguée ! « Naturellement ! on a trimé toute sa journée, et c’est pour entendre des reproches ! » Etc… Je n’ai pas insisté. La vraie raison pour laquelle Thérèse fait sa lessive le jeudi, c’est que sa mère l’y faisait aussi. Il y a un jour pour la lessive. Les enfants devraient comprendre ça. Passe encore pour Jeanne : elle n’a que huit ans, mais, bon sang, Jacques en a neuf, et Cécile douze, et Pierre quatorze ! Et ce grand nigaud de Philippe qui en a seize, et qui je crois, en ce moment même, vient de recevoir une taloche ! Je dois avoir là-dedans une certaine responsabilité. Je suis trop mou. On ne m’a jamais pris au sérieux. J’ai même, en classe, quelques petites difficultés. Oh ! ça ne va pas très loin bien sûr : on me m’a jamais fait, par exemple,