Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/126

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n’a changé. Ta foi est celle des premiers jours. N’est-elle pas même devenue plus ample, plus humaine et plus attendrie ? Ma mère me le disait jeudi (elle est venue passer la journée au presbytère) : « Mais, mon Dieu, comme tu changes, mon garçon ! Mais comme tu changes ! Et tu sais, ce n’est pas en mal !… »

Quelle chaleur ! Il est impossible de dormir ! J’ai dû me lever et approcher de la fenêtre ma table l’onde et mon fauteuil. J’aurais lu — j’avais commencé — si je n’avais pas été distrait par le bourdonnement des moustiques, et leurs piqûres. Je ne me suis senti tranquille, et comme sauvé, que la plume en main.

J’ai reçu aujourd’hui une confidence, celle de François Deconihout. Il aime mademoiselle de Saint-Englebert et m’en a fait simplement l’aveu. Nous revenions du cercle d’études (celui des jeunes gens ne va pas très fort, entre parenthèses) et François, qui allait me quitter, m’a dit tout d’un coup devant le portail du presbytère, et sans que ses paroles eussent aucun lien avec celles qui les avaient précédées : « Monsieur l’Abbé, j’aime… » il n’a pas dit : Mademoiselle de Saint-Englebert, mais : Odette de Saint-Englebert. J’étais choqué, et comme désarmé à la fois. Désarmé par la gentillesse de François, par