Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/146

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que pour l’autre elles existent, soit encore… » Elle s’arrête un moment et reprend : « Soit encore qu’elles soient trop belles en soi pour qu’on ose les dire. »

J’ai cru pouvoir redemander à mademoiselle Odette si elle songeait à entrer dans les ordres, si elle ne pensait pas que Dieu l’appelait à Son service. Elle a répondu, et d’un ton très vif et décidé : « Non, monsieur l’Abbé, j’ai bien réfléchi depuis que vous m’en avez parlé pour la première fois et… excusez-moi, mais je suis sûre que non. » Elle déchirait alors en menus morceaux la feuille d’un vieux recueil de cantiques qu’elle avait ramassée à terre. Nous étions près du ruisseau qui, du presbytère, descend au moulin. Chacun des petits papiers, un instant porté par le vent, tombait sur l’eau et tourbillonnait, et se perdait dans le courant, parmi les herbes. Elle les suivait chacun du regard. « Non, monsieur l’Abbé, je souhaite demeurer ici. Tout simplement. Il y a beaucoup de travail à faire ici, monsieur l’Abbé. Et puis… et puis j’aime tant notre pays !… »

À cela peut-être j’aurais dû répondre, mais je n’avais alors rien à dire. Une grande paix tombait sur nous. L’angélus sonna, les enfants s’en revinrent du fond du jardin où ils jouaient presque silencieusement, vers la maison. Mademoiselle de Saint-Englebert me regarda et il me sembla, tant ses yeux étaient brillants, qu’elle venait de pleurer.