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Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/159

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de jeux éteints. Il y a ceux qui veulent les lampes elles-mêmes, et ces lampes ne leur suffisent pas, ainsi offertes à tout venant. Il leur faut le feu clair pour eux, rien que pour eux, et ils le prennent, et ils le cachent sous leur manteau. Et ils s’enfuient. Il y a ceux, François, qui, venus de l’ombre comme vous, avec les yeux, encore tout grands de nuit, se sont approchés silencieusement de la lumière, — silencieusement, insensiblement, comme s’ils craignaient d’en être indignes. Et les voici dans la clarté, et maintenant ils ne demandent plus rien. Ils ne demandent plus rien, François, ils ne font pas un geste vers la flamme. Ils ont prévu pourtant qu’ils en seraient tentés, et c’est pourquoi ils ont noué leurs mains. Ils désapprennent graduellement ces choses précieuses qu’on leur avait apprises. Ils ne savent plus parler aux autres, ils oublient même ce dialogue avec eux-mêmes qui leur était, à eux, plus cher qu’un entretien. Ils apprennent à ne plus convoiter. Ils apprennent à ne plus exister, et, peu à peu, ils deviennent ce qu’ils sont jusqu’à ce qu’enfin ils se transforment en ce qui est, tout ce qui est. Leur présence même est insensible. Ils ont reçu, si humblement, leur nourriture de la lumière qu’ils se sont transmués en elle. Pour avoir refusé le monde, le monde leur a été donné. Et plus personne n’a su qu’ils existaient.

J’ai bien connu M. Rousseau. Je le vois quel-