Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/57

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où je comprends, aussi, que je pourrais l’aimer encore. Je me reproche alors mon infidélité, mon manque de foi, mon manque de force. Car c’est encore un manque de force : le vrai fort n’aime que ce qui est, parce que cela est, et ne rêve pas.

J’ai, pour faire plaisir à Thérèse, bêché un petit coin du jardin. J’ai mal aux reins et ma main tremble pour écrire. Mais j’ai les idées tellement claires ! je me sens tellement neuf et dur ! Un homme d’action ! Ce soir, je conquerrais le monde ! « Papa, papa ! On te demande ! — Qui ? — C’est madame Mercier. » Madame Mercier ! Je me sens devenir tout rouge. Et c’est idiot : de quoi aurais-je donc à rougir ?

Madame Mercier venait simplement pour s’informer du travail dé sa fille : étais-je content ? Madeleine s’appliquait-elle ? « Elle vous aime beaucoup, vous savez ! Et elle a fait de grands progrès. »

Quelle finesse, chez madame Mercier ! quel sens exquis des gestes et des mots ! Et ces mains longues, intelligentes ! Quelle distinction !

Quelle distinction !… Faut-il, pour être distingué, adopter les manières du monde, sacri-