Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/78

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s’était planté devant moi, je restai un moment interdit ; mais je repris, conscient de la stupidité de mon trouble, et d’une voix ferme, et un peu sifflante malgré moi : « Mais, monsieur le Comte, ne craignez-vous pas qu’il n’y ait une certaine idolâtrie de l’ordre et des gens en place ? Et croyez-vous que tous les pauvres le soient par seule insuffisance… — Je ne comprends pas ! — Est-ce que la misère, monsieur le Comte, s’explique toujours par la paresse ? Est-ce que les riches, dans une certaine mesure, ne manquent pas, parfois, à leur devoir ? »

J’étais très calme. J’avais conscience d’avoir dit quelque chose d’irréfutable et de l’avoir dit sans malignité. M. le Comte pivota sur ses talons, se dirigea vers la haute cheminée où étaient assises Madame et Mademoiselle de Saint-Englebert, puis revint vers moi : « Monsieur l’abbé, demandez à Monsieur le Curé ce que nous avons fait, Madame de Saint-Englebert et moi, pour la paroisse !… » Et comme je protestais : « Oui, oui, je sais bien, Monsieur l’abbé, vous parliez des gens riches en général…’Eh bien, tout de même, la main sur la conscience, croyez-vous qu’il y en ait tant que ça qui oublient leurs devoirs ? Et s’ils l’oublient, — soyons justes, Monsieur l’Abbé, les riches aussi ont droit à la justice ! — s’ils l’oublient, est-ce que ce n’est pas souvent la faute des pauvres ? Tenez — je vais peut-être vous