Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/94

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même, je ne devrais pas manger un peu plus. Certainement, je serais porté, par mon tempérament, à manger beaucoup, à manger plus, peut-être, qu’il ne conviendrait. Mais quoi, vais-je, par défiance de mes propres forces, renoncer à bien servir Dieu ?

Je ne crois évidemment pas que nos enthousiasmes soient liés — voilà que je parle en pédant — à l’intensité en nous des forces vitales. Je crois que la grâce de Dieu suffit à tout. Mais ne sommes-nous pas conditionnés par notre enveloppe terrestre et si je mangeais un tout petit peu plus le soir, ne dirais-je point : « Pacem relinquo vobis » avec plus de ferveur ?

Retourné, avec allégresse, deux plates-bandes dans le jardin de M. le Curé. C’était entre 3 et 5. Il faisait sec et presque froid, mais on sentait le printemps proche. Quelle bonne chose que d’ouvrir la terre ! Elle résiste toujours un peu, même cette terre-ci travaillée et sableuse : il faut peser, marquer parfois un temps d’arrêt, et le fer déchire d’un seul trait avec une force égale et nette — irrévocable. Une odeur humide monte de là. Je me revois, courant les chemins, avec des galopins de mon âge. Je me rappelle la Sablière, les joncs qui se cueillaient dans les prés, près de la rivière, les fours construits avec de la