Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/123

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Scène II

LAODICE, ANNIBAL, ÉGINE, AMILCAR


ANNIBAL

Puis-je, sans me flatter,
Espérer qu’un moment vous voudrez m’écouter ?
Je ne viens point, trop fier de l’espoir qui m’engage,
De mes tristes soupirs vous présenter l’hommage :
C’est un secret qu’il faut renfermer dans son cœur,
Quand on n’a plus de grâce à vanter son ardeur.
Un soin qui me sied mieux, mais moins cher à mon âme,
M’invite en ce moment à vous parler, Madame.
On attend dans ces lieux un agent des Romains,
Et le roi votre père ignore ses desseins ;
Mais je crois les savoir. Rome me persécute.
Par moi, Rome autrefois se vit près de sa chute ;
Ce qu’elle en ressentit et de trouble et d’effroi
Dure encore, et lui tient les yeux ouverts sur moi.
Son pouvoir est peu sûr tant qu’il respire un homme
Qui peut apprendre aux rois à marcher jusqu’à Rome.
À peine ils m’ont reçu, que sa juste frayeur
M’en écarte aussitôt par un ambassadeur ;
Je puis porter trop loin le succès de leurs armes,
Voilà ce qui nourrit ses prudentes alarmes :
Et de l’ambassadeur, peut-être, tout l’emploi