Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/167

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Dans un pareil danger, il doit m’être permis,
Sans craindre d’être vain, d’exposer qui je suis.
J’ai besoin, en un mot, qu’ici votre mémoire
D’un malheureux guerrier se rappelle la gloire ;
Et qu’à ce souvenir votre cœur excité,
Redouble encor pour moi sa générosité.
Je ne vous dirai plus de presser votre père
De tenir les serments qu’il a voulu me faire.
Ces serments me flattaient du bonheur d’être à vous ;
Voilà ce que mon cœur y trouvait de plus doux.
Je vois que c’en est fait, et que Rome l’emporte ;
Mais j’ignore où s’étend le coup qu’elle me porte.
Instruisez Annibal ; il n’a que vous ici.
Par qui de ses projets il puisse être éclairci.
Des devoirs où pour moi votre foi vous oblige,
Un aveu qui me sauve est tout ce que j’exige.
Songez que votre cœur est pour moi dans ces lieux
L’incorruptible ami que me laissent les dieux.
On vous offre un époux, sans doute ; mais j’ignore
Tout ce qu’à Prusias Rome demande encore.
Il craint de me parler, et je vois aujourd’hui
Que la foi qui le lie est un fardeau pour lui,
Et je vous l’avouerai, mon courage s’étonne
Des desseins où l’effroi peut-être l’abandonne.
Sans quelque tendre espoir qui retarde ma main,
Sans Rome que je hais, j’assurais mon destin.